Parler de la mort avec les enfants

Toutes les familles sont amenées un jour ou l’autre à aborder ce sujet douloureux avec les enfants. Que cela soit suite au décès d’un proche, d’un animal de compagnie… ou tout simplement après avoir vu un film, il n’est pas toujours facile de trouver les bons mots, les adultes étant souvent mal à l’aise, victimes de leurs propres peurs et de leurs émotions.

Lisa Schiltz-Clees, psychologue diplômée et thérapeute familiale systémique, spécialisée dans la thérapie du traumatisme pour enfants et adolescents nous fait part de quelques notions et conseils à ce sujet.

parler-de-la-mortTout le monde va mourir un jour…
« La mort est quelque chose de naturel »: Cette vérité doit être dite avec des mots choisis en fonction de l’âge de l’enfant. Si cela semble compliqué et trop douloureux à expliquer, les parents doivent s’interroger sur la façon dont ils appréhendent eux-mêmes la mort. Il est certain que les mots seront plus difficiles à trouver si l’on a pas soi-même intégré cette notion ou si l’on a très mal vécu un deuil. Les enfants peuvent comprendre facilement beaucoup de choses, mais ils ressentent également les angoisses et les peurs des adultes.

Une absence définitive
La mort fait partie d’un cycle naturel. Lorsqu’une personne meurt, elle ne reviendra plus jamais. S’il ne sera plus possible de la serrer dans les bras ou de l’embrasser, elle restera dans les pensées, dans le cœur. A éviter absolument : Les mots qui pourraient suggérer un retour tels « il est en voyage pour longtemps » ou encore, « il s’est endormi ».

L’importance des souvenirs
La mort doit laisser place aux souvenirs : L’amour est un lien qui ne meurt jamais et l’enfant gardera toute sa vie l’amour qu’on lui a porté dans son cœur. La personne qui est morte reste dans les pensées, et s’il est parfois nécessaire d’exprimer concrètement son amour envers elle, cela peut se faire par le biais d’une lettre, d’un poème ou d’un dessin par exemple.

Un amour irremplaçable
Déjà tout petit, l’enfant peut un jour ou l’autre être confronté à la perte de quelque chose à laquelle il tient énormément. L’attitude des parents sera essentielle pour l’aider à affronter certaines situations douloureuses dans le futur. On ne remplace pas tout de suite le doudou perdu auquel l’enfant est très attaché, de même on n’accueille pas directement un nouvel animal de compagnie lorsque celui que l’on aimait décède.Il faut « donner du temps au temps » pour accepter le manque…

Le chagrin et les larmes
Ils sont naturels et permettent de libérer les émotions. Laisser pleurer est important, même pour la perte d’un poisson rouge. Il faut leur exprimer de la compréhension car il n’y a pas de hiérarchie dans la douleur et toute tristesse doit être prise au sérieux. Les adultes eux-mêmes ne doivent pas cacher leurs larmes sans pour cela exprimer leur douleur de façon trop ostentatoire.

Le deuil
Il n’est pas vécu de la même façon chez les adultes que chez les enfants. Soulignons que les plus jeunes ont de grandes capacités de résilience. Nombreux sont ceux qui sembleront en effet se « remettre » rapidement après le décès d’un proche, laissant le jeu prendre la place des larmes. C’est une façon pour eux de mettre en scène leur tristesse, de l’exprimer et de l’accepter et il est très important qu’ils puissent le faire. Les enfants peuvent parfois être victimes d’un deuil mal vécu par leurs parents, ils peuvent se sentir étouffés par un deuil qui prend trop de place.

« Papa et maman vont également mourir un jour »
Si cette angoisse naturelle traverse l’esprit de presque tous les enfants, elle doit cependant être passagère. Rassurer l’enfant avec des phrases telles « je serai déjà une grand-mère » ou encore « tu seras déjà grand » devrait suffire. Si cela se répète, il faut parfois s’interroger et se demander si ce n’est pas notre propre angoisse « d’abandonner » un jour nos enfants qu’on leur transmet. Cela peut également être, pour l’enfant, l’expression cachée d’un autre problème à dénouer éventuellement avec l’aide d’une psychologue.

Le sujet ne doit pas être tabou
La question de la mort arrive un jour ou l’autre et fuir le dialogue ne peut être que néfaste pour l’enfant. Sans réponses, il va alors se réfugier dans ses propres explications imaginaires pour apaiser ses angoisses. Il faut veiller à trouver des mots simples et adaptés aux circonstances suivant l’âge des enfants, et ne pas hésiter à leur dire que nous, adultes, nous ne comprenons pas tout non plus.

Les croyances et les rites de chacun
L’apaisement trouvera parfois sa source dans les croyances religieuses ou tout simplement dans des pensées d’amour qui sont en nous. Nous pouvons lui faire part de nos croyances, ce sera à lui de se forger sa propre idée. S’il est conseillé de proposer à l’enfant d’assister aux obsèques pour dire « au revoir » à l’être cher, il ne faut pas le forcer ni lui donner mauvaise conscience en cas de refus.

La maladie et la mort
Lorsque l’issue fatale d’une maladie est annoncée, il faut aborder le sujet avec l’enfant : ni trop tôt, ni trop tard. Une telle annonce est souvent suivie par une période de refus et d’espoir intense. C’est lorsque cet espoir s’efface qu’il faut songer à lui annoncer, l’enfant percevant qu’il « se passe quelque chose ». En parler trop tôt le plongerait dans l’angoisse, trop tard détruirait sa confiance. Ce conseil ne s’applique néanmoins pas aux adolescents envers qui il faut faire preuve dès le départ d’une franchise absolue tout en gardant une certaine retenue (pudeur ?).

Quand est-ce qu’il y a lieu de consulter ?
La mort est un sujet bien moins compliqué pour les enfants que pour les adultes. S’il y a eu un décès dans la famille ou parmi les proches, il est normal que l’enfant en soit affecté, il peut même parfois exprimer de la colère, mais la situation devrait redevenir rapidement « normale ». Si aucun décès n’a eu lieu, ces interrogations sont également normales. Par contre, si ce sujet revient tout le temps dans les conversations, si l’enfant délaisse le jeu, s’il devient agressif ou change tout simplement de comportement de façon significative, cela peut être le signe d’un mal-être qui nécessite peut-être de l’aide d’un professionnel.